OHRID (Macédoine du Nord) – Renforcer la coopération policière internationale pour contrer la montée rapide de la menace que constituent les réseaux de criminalité organisée, tel a été le sujet central de la 50ème Conférence régionale européenne d’INTERPOL.
L’événement a réuni pendant trois jours (du 8 au 10 mai) plus de 140 personnes venues de 53 pays d’Europe et d’ailleurs pour aborder les problèmes de criminalité les plus urgents auxquels est confrontée la région.
La conférence s’est tenue à Ohrid, en Macédoine du Nord, laquelle célébrait cette année le 30ème anniversaire de son adhésion à INTERPOL.
« Ces 30 années passées au sein de l’organisation de police la plus importante au monde ont démontré notre engagement et notre volonté de prendre part à la coopération policière internationale », a déclaré Oliver Spasovski, le ministre de l’Intérieur de la République de Macédoine du Nord, dans une allocution prononcée lors de la cérémonie d’ouverture de la conférence.
« Avec la mise en place du système mondial de communication policière d’INTERPOL, notre pays a été parmi les premiers à rejoindre cette grande famille interconnectée qui réunit les services de polices du monde entier, à échanger des informations avec les autres membres de l’Organisation et le Secrétariat général et à accéder directement à des bases de données criminelles mondiales », a ajouté le ministre.
Une ampleur sans précédent
Financés par un trafic de stupéfiants qui atteint aujourd’hui un niveau historique, les groupes de criminalité organisée représentent dans de nombreux pays une menace directe de plus en plus sérieuse pour l’autorité de l’État, tandis que le niveau de la violence qu’ils exercent semble lui aussi augmenter.
« La criminalité organisée constitue une préoccupation majeure », a ainsi affirmé le Président d’INTERPOL, Ahmed Naser Al-Raisi, lors de la cérémonie d’ouverture de la conférence. « Cette criminalité transnationale ne menace pas seulement la sécurité et la sûreté de la région, mais elle a des retombées sur le reste du monde. »
Le mois dernier, INTERPOL a annoncé sa plus grande opération jamais réalisée dans le domaine du trafic d’armes à feu, avec l’arrestation de plus de 14 000 suspects en Amérique centrale et du Sud et une saisie historique de 5,7 milliards d’USD issus de la vente de stupéfiants.
« Au cours des cinq dernières années, le trafic et la consommation [de stupéfiants] ont connu une augmentation considérable, et l’Europe constitue l’un des principaux marchés de transit et de destination », a indiqué le Secrétaire Général d’INTERPOL Jürgen Stock.
« Nous continuons d’observer des saisies record aux frontières et dans les ports européens et la montée correspondante de la criminalité violente, de la corruption et du blanchiment d’argent, dont l’ampleur est sans précédent », a ajouté M. Stock.
Étant donné l’envergure internationale de nombreux réseaux de criminalité organisée, qui s’étendent souvent sur plusieurs continents, la coopération internationale orchestrée par INTERPOL constitue souvent le seul moyen pour les polices d’Europe et d’autres régions de retrouver et de traduire en justice des individus en fuite ou de recueillir des renseignements cruciaux.
Panorama de la criminalité européenne
Le trafic de stupéfiants n’est pas la seule menace qui pèse sur la région. Le Rapport d’INTERPOL sur les tendances mondiales de la criminalité en 2022, résultat d’une enquête menée auprès de la police des 195 pays membres de l’Organisation, révèle ainsi que le blanchiment d’argent, la cybercriminalité et les infractions traditionnelles liées à l’utilisation frauduleuse d’Internet figurent également au centre des préoccupations des services européens chargés de l’application de la loi.
Le blanchiment d’argent arrive à la deuxième place des tendances criminelles le plus souvent citées par les pays membres de la région comme représentant une menace « élevée » ou « très élevée », les escroqueries financières figurant également en bonne place dans ce classement.
Le rapport indique par ailleurs que l’utilisation d’outils en ligne par les malfaiteurs pour commettre des escroqueries financières s’est elle aussi rapidement développée au cours des dernières années, en particulier pendant la pandémie de COVID-19.
Fait particulièrement inquiétant, 76 % des personnels de police interrogés en Europe s’attendent à ce que l’exploitation et les abus pédosexuels sur Internet « augmentent » ou « augmentent fortement » au cours des trois à cinq prochaines années.
Le rapport indique que la demande portant sur la diffusion d’abus en direct a connu une hausse constante ces dernières années, qui s’est probablement intensifiée pendant la pandémie. Si les abus pédosexuels en direct et à distance se déroulent le plus souvent en Asie du Sud-Est, plusieurs cas ont récemment été recensés au sein de l’Union européenne.
Le maintien de la sécurité en Europe
L’histoire d’INTERPOL, qui a commencé au cœur même de l’Europe (à Vienne) il y a 100 ans, dans la période de l’entre-deux-guerres, est intimement liée à celle de ce continent.
Dans le contexte des années 1920, marquées par les bouleversements géopolitiques et l’accroissement préoccupant de la criminalité internationale, les membres fondateurs de l’Organisation ont reconnu que seule la collaboration entre les polices permettrait de lutter efficacement contre les menaces criminelles transnationales – un objectif demeuré commun à travers les périodes de tension politique ou économique.
Plus tard, aux heures les plus sombres de l’histoire de l’Organisation, les nazis ont pris la direction de la Commission internationale de police criminelle, ancien nom d’INTERPOL, après avoir destitué son président. Puis, en 1946, la Belgique a mené la reconstruction d’INTERPOL au lendemain de la guerre.
Aujourd’hui, les pays membres européens demeurent les principaux utilisateurs des capacités d’INTERPOL et leurs principaux contributeurs dans le monde. Leur activité se développe rapidement. En ce qui concerne les bases de données d’INTERPOL, ces pays totalisent plus d’enregistrements, de recherches et, surtout, de réponses positives que toute autre région.
Les enregistrements, les recherches et les signalements effectués par les pays membres européens dans les bases de données d’INTERPOL ont ainsi atteint des records historiques en 2022. Au cours de l’année écoulée, le nombre de recherches réalisées par les services européens chargés de l’application de la loi dans les bases de données d’INTERPOL a augmenté de près d’un tiers.
Ces chiffres viennent souligner la place fondamentale occupée par les capacités d’INTERPOL dans les approches employées par les pays européens pour garantir la sécurité de leurs communautés.