Les technologies émergentes au cœur du Forum INTERPOL sur les nouvelles technologies

21 novembre 2022
« Nous ne savons pas ce que nous ne savons pas » : les services chargés de l’application de la loi doivent mettre les bouchées doubles pour faire face aux enjeux du Web 3.0

SINGAPOUR – Les services chargés de l’application de la loi doivent rapidement comprendre les nouvelles formes de criminalité issues des technologies émergentes, telles que les métavers décentralisés, qui proposent de nouveaux modes de communication et d’accès aux données que les forces de l’ordre ne maîtrisent pas nécessairement. Les infractions financières basées sur les jetons non fongibles (NFT) se généralisent, à l’instar des mécanismes de blanchiment d’argent. Ces jetons sont hébergés sur des plateformes décentralisées comme des chaînes de blocs, qui représentent un défi considérable pour les services chargés de l’application de la loi, puisqu’elles peuvent être gérées sans la présence d’une autorité responsable. Les services chargés de l’application de la loi doivent ainsi envisager de nouvelles solutions, comme des outils issus de sources ouvertes, pour améliorer le recueil de données. La législation doit également s’adapter à ces évolutions, ce qui prend du temps.

Le Forum INTERPOL sur les nouvelles technologies : l’application de la loi dans le Web 3.0 a mis en lumière le risque que les services chargés de l’application de la loi se laissent distancer par les criminels.

Le Forum INTERPOL sur les nouvelles technologies : l’application de la loi dans le Web 3.0, qui s’est tenu du 15 au 17 novembre 2022 au Complexe mondial INTERPOL pour l’innovation à Singapour, a mis en lumière le risque que les services chargés de l’application de la loi se laissent distancer par les criminels. Organisé en coopération avec le ministère bavarois de la Justice, le Forum a indiqué qu’une collaboration plus étroite entre les services chargés de l’application de la loi, le secteur privé et le monde universitaire pourrait accélérer la compréhension de ces nouvelles technologies et de leurs répercussions criminelles. Via ce Forum sur les nouvelles technologies, INTERPOL aide ses 195 pays membres à identifier et comprendre les applications pratiques des nouvelles technologies liées à la transition vers le Web 3.0.

Lors de son allocution, Raja Kumar, le président du Groupe d’action financière, a insisté sur le recours accru à des techniques de protection renforcée de la vie privée pour brouiller les pistes entre les transactions de cybermonnaies et l’identité réelle des auteurs. Afin de suivre le rythme de ces transactions et des méthodes de protection de la vie privée utilisées par les criminels pour dissimuler leur identité, M. Kumar a reconnu l’importance d’une collaboration globale et internationale en vue d’intervenir efficacement à l’échelle de l’écosystème. L’émergence rapide de ces nouveaux enjeux et techniques criminelles s’ajoute à une réglementation et des mesures de répression obscures, en particulier s’agissant des transactions et infractions transfrontalières.

Un autre intervenant, Patrick Ghion, du Centre régional de compétence cyber au sein de la Police cantonale de Genève, a évoqué le recours à de nouveaux vecteurs de communication par les criminels, tels que les moyens de communication cryptés, les groupes à huis clos, la nécessité de fournir du contenu illégal pour intégrer un groupe, ou encore les fournisseurs de messageries électroniques sécurisées. M. Ghion a par ailleurs mis les participants au défi de se préparer dès maintenant à lutter contre des menaces qui ne semblent pas réelles aujourd’hui mais qui vont le devenir, comme les questions liées à la sécurité spatiale et aux interfaces cerveau-machine.

Prenons l’exemple de la sécurité spatiale : la prolifération de satellites peut être source à la fois d’opportunités et de menaces pour les services chargés de l’application de la loi. Ces derniers peuvent en effet utiliser les satellites pour recueillir des données, mais le piratage des communications par satellite compromet la sûreté publique et la sécurité. De leur côté, les interfaces cerveau-machine brouilleront les frontières entre la perception de la réalité et les signaux induits.

Via ce Forum sur les nouvelles technologies, INTERPOL aide ses 195 pays membres à identifier et comprendre les applications pratiques des nouvelles technologies liées à la transition vers le Web 3.0.

Le Forum comprenait également plusieurs ateliers et sessions de partage de connaissances, qui ont permis d’identifier les enjeux liés à la décentralisation des marchés, tels que l’absence de responsabilisation, les obstacles au recueil d’éléments de preuve et le manque d’harmonisation des cadres juridiques. Les services chargés de l’application de la loi doivent anticiper l’assouplissement des barrières à l’entrée avec le Web 3.0, ce qui facilitera grandement l’accès à la création de marchés décentralisés et accélérera/élargira l’adoption par les utilisateurs.

Comme cela a été souligné par plusieurs intervenants et participants, les criminels évoluent vite, et les services chargés de l’application de la loi doivent trouver des outils leur permettant de prendre une longueur d’avance. Le Forum a reconnu la nécessité de collaborer en vue d’exploiter les outils technologiques pour traiter d’énormes quantités de données de manière scientifique, empirique et reproductible dans le cadre des enquêtes. Une collaboration intersectorielle est également essentielle pour dispenser des formations spécialisées adéquates et de qualité, qui constituent l’un des besoins majeurs des services chargés de l’application de la loi s’ils veulent suivre le rythme de l’évolution de la criminalité vers le Web 3.0.