L’épuisement des stocks de poissons alimente la criminalité transnationale

15 décembre 2021
Une opération mondiale coordonnée par INTERPOL montre qu’il existe des liens entre la criminalité liée à la pêche et d’autres formes graves de criminalité, telles que la traite d’êtres humains et le trafic de stupéfiants et d’explosifs.

LYON (FRANCE) – L’épuisement des stocks de poissons a un effet néfaste sur la biodiversité et la chaîne alimentaire mondiales. Selon les équipes chargées de la sécurité environnementale et maritime d’INTERPOL qui ont coordonné une opération de renseignement de cinq mois (juin - octobre 2021) dans 34 pays et sur l’ensemble des « sept mers », la diminution des ressources marines vivantes entraîne également une augmentation de la criminalité liée à la pêche.

Les 1 710 inspections effectuées au cours de la phase tactique de l’opération IKATERE, qui a duré un mois, ont permis de mettre au jour plus d’une centaine d’affaires de criminalité liée à la pêche et à d’autres domaines. Plus d’une quarantaine de mandats d’arrêt ont déjà été émis et de nombreuses enquêtes sont encore en cours.

Près d’une tonne de produits illicites ont été saisis dans le monde, parmi lesquels des poissons et des espèces sauvages protégés, des stupéfiants et des explosifs. À eux seuls, les services chargés de l’application de la loi du Monténégro ont saisi plus de 20 cylindres d’explosifs au cours de cette opération.

« L’utilisation d’explosifs comme méthode de pêche illégale est une tendance croissante parmi les acteurs peu scrupuleux du secteur, l’épuisement progressif des stocks de poissons poussant les navires à maintenir leurs taux de capture à n’importe quel prix », a déclaré Ilana De Wild, Directrice de la Criminalité organisée et des Nouvelles formes de criminalité à INTERPOL.

« Leur utilisation favorise également la circulation d’explosifs susceptibles d’être utilisés par des groupes criminels ou terroristes. On a constaté que les fabricants des bombes utilisées dans les attentats terroristes de ces dernières années fournissaient également des explosifs au secteur de la pêche illégale », a ajouté Mme De Wild.

Traite d’êtres humains et fraude documentaire

La pêche illicite, non déclarée et non réglementée (INN) est l’une des menaces les plus grandes pour l’utilisation durable des ressources marines, qui constitue l’un des objectifs de développement durable des Nations Unies (ONU). Chaque année, la pêche INN coûte des milliards de dollars à l’économie mondiale.

Selon l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), on estime que 20 % du total des captures mondiales proviennent de la pêche INN et que ce pourcentage atteint 40 % dans certaines régions, telles que les eaux côtières de certains pays en développement.

Les malfaiteurs utilisent aussi les navires de pêche pour se livrer au trafic de drogues et à la traite d’êtres humains, car leurs itinéraires de navigation nomades et les longues périodes passées en mer leur permettent de se fondre facilement dans l’environnement maritime sans éveiller les soupçons. Les réseaux criminels utilisent également le produit de la pêche commerciale illégale pour financer d’autres activités illicites.

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La traite d’êtres humains et l’esclavage moderne sont également des problèmes graves dans le secteur de la pêche. Au cours de l’opération IKATERE, 121 hommes, femmes et enfants victimes de la traite sur les bateaux du lac Victoria ont été secourus par les services chargés de l’application de la loi kenyans.

L’opération a également confirmé que de faux documents (par ex. : certificats de navire, licences de pêche ou documents concernant l’équipage) étaient fréquemment utilisés pour dissimuler la véritable nature des activités d’un navire, blanchir les prises et couvrir les cas d’exploitation de la main d’œuvre ou de traite d’êtres humains.

Plus de 70 navires soupçonnés de se livrer à des activités de pêche illégale ont été repérés au cours de l’opération IKATERE, principalement pour n’avoir pas présenté de permis de pêche valides pour les zones dans lesquelles ils ont été surpris en train de pêcher.

« La seule façon de lutter réellement contre les multiples formes de criminalité liées à la pêche illégale est d’instaurer une coopération internationale efficace entre le pays qui contrôle les documents de pêche et celui qui est censé les avoir émis », a déclaré Stephen Kavanagh, Directeur exécutif des Services de police à INTERPOL.

« La participation massive à l’opération IKATERE – y compris de pays sans littoral comme le Rwanda – témoigne de la volonté à l’échelle mondiale de mettre en œuvre une gestion durable des ressources marines. Notre existence et nos moyens de subsistance collectifs en dépendent ».

L’opération IKATERE a été appuyée à chaque étape par le Groupe de travail sur la pêche illégale d’INTERPOL – un groupe international qui permet une mise en commun des compétences et des expériences, et l’élaboration d’approches policières innovantes dans ce domaine de criminalité.

Le Programme sur la sécurité environnementale et ses activités contre la pêche illégale bénéficient du soutien financier du Secrétariat de la CCAMLR (Commission pour la conservation de la faune et la flore marines de l’Antarctique), des Pew Charitable trusts et de l’Agence des États-Unis pour le développement international (USAID).