Bas les masques : une escroquerie internationale au COVID-19

14 avril 2020
Une affaire coordonnée par INTERPOL aboutit à des arrestations et déclenche des enquêtes dans plusieurs pays européens

Une escroquerie sophistiquée associant adresses de messagerie piratées, avances de fonds frauduleuses et blanchiment d’argent a été mise au jour par des établissements financiers et les autorités en Allemagne, en Irlande et aux Pays-Bas, dans le cadre d’une affaire coordonnée par INTERPOL.

Mi-mars, alors que plusieurs pays décrétaient un confinement en raison de la flambée épidémique du coronavirus, les autorités de santé allemande ont passé un marché avec deux sociétés de distribution à Zurich et Hambourg pour l’achat de masques de protection pour un montant de 15 millions d’EUR. La pénurie mondiale de fournitures médicales venant compliquer les circuits commerciaux habituels, les acheteurs ont suivi de nouvelles pistes dans l’espoir d’obtenir les masques.

Une chaîne d’intermédiaires

Tout a commencé par une adresse e-mail et un site Web qui semblaient liés à une société de de distribution de masques de protection en Espagne d’apparence licite. Ce qu’ignoraient les acheteurs, c’est que le site était frauduleux et que les adresses e-mails avaient été piratées.

Par messagerie, le fournisseur a affirmé au départ disposer de 10 millions de masques, mais la livraison n’a pas abouti. En guise de consolation, il a redirigé les acheteurs vers un intermédiaire « de confiance » en Irlande. Ce dernier a promis de les mettre en contact avec un autre fournisseur, cette fois aux Pays-Bas.

Faisant valoir ses solides relations commerciales avec la prétendue société néerlandaise, l’homme leur a donné l’assurance que celle-ci serait en mesure de fournir les 10 millions de masques de protection. Un accord pour une première livraison de 1,5 million de masques a été conclu, moyennant le versement de 1,5 million d’EUR à la commande.

Les acheteurs ont effectué un virement bancaire vers l'Irlande et organisé la livraison, nécessitant 52 camions et une escorte policière pour le transport des masques d'un entrepôt aux Pays-Bas vers sa destination finale en Allemagne.

Juste avant la livraison, les acheteurs ont été informés que les fonds n’étaient jamais arrivés et qu’un virement de 880 000 EUR devait être effectué de toute urgence directement au fournisseur néerlandais pour être sûrs d’obtenir la marchandise.

Les acheteurs ont effectué le virement par voie électronique mais les masques ne sont jamais arrivés. Il s’est avéré que la société néerlandaise existait bel et bien, mais que son site Web avait lui aussi été cloné. Il n’existait aucune trace officielle de la commande.

Sur les traces de l’argent

Lorsque les acheteurs se sont rendu compte qu’ils avaient été dupés, ils ont immédiatement pris contact avec leur banque en Allemagne, laquelle est alors entrée en relation avec l’unité Criminalité financière d’INTERPOL, ce qui déclenché une course contre la montre pour intercepter les fonds et remonter la piste de l’argent.

Les banques, les cellules de renseignement financier et les autorités judiciaires, ainsi que les organisations partenaires Europol et EUROJUST, ont rejoint INTERPOL dans la course contre la montre.

INTERPOL a contacté son Bureau central national à Dublin, ainsi que la banque irlandaise. Une intervention rapide du Bureau de la criminalité économique de la police irlandaise a permis de geler les 1,5 million d’EUR déposés sur le compte et d’identifier la société irlandaise impliquée.

Éléments de preuve saisis par le Bureau de la criminalité économique de la police irlandaise
Éléments de preuve saisis par le Bureau de la criminalité économique de la police irlandaise

Le Service irlandais des enquêtes fiscales (FIOD) a rapidement retrouvé les 800 000 EUR, qui avaient été virés par la société allemande. Sur cette somme, près de 500 000 EUR avaient déjà été transférés au Royaume-Uni. La totalité de la somme était destinée à un compte au Nigéria.

Europol a activé ses réseaux professionnels afin de joindre ses principaux contacts dans le secteur bancaire. Grâce à une alerte déclenchée par les enquêteurs, la banque britannique a pu rappeler la totalité de la somme. Les fonds ont été rendus aux Pays-Bas et gelés par les autorités.

« Ceux qui ont été arrêtés dans cette affaire n’avaient aucun rapport avec l’industrie du matériel médical. Il s’agissait simplement d’escrocs expérimentés qui ont vu la flambée de COVID-19 comme une opportunité. » Jürgen Stock, Secrétaire général d’INTERPOL

« Ils ont adapté leurs arguments de vente pour tirer parti de chaînes d’approvisionnement en tension et engranger d’énormes profits. Je ne peux que saluer la rapidité de l’action des autorités privées et publiques concernées. INTERPOL continuera à travailler sur l’affaire – et sur de nombreuses autres comme celle-ci – en étroite coopération avec l’ensemble de nos partenaires », a ajouté le chef d’INTERPOL.

L’opération a d’ores et déjà permis l’arrestation de deux suspects aux Pays-Bas. D’autres arrestations sont probables alors que les unités spécialisées restent en contact étroit avec INTERPOL, ainsi qu’avec le procureur et les services de police de Traunstein (Allemagne), concernant les pistes générées par le matériel saisi.

INTERPOL tient à rappeler au grand public la nécessité de faire preuve de vigilance tandis que les groupes criminels organisés continuent à adapter leurs activités pour tirer profit de la crise sanitaire mondiale.