GLASGOW (Royaume-Uni) – INTERPOL publie aujourd’hui les premiers résultats de son opération la plus importante à ce jour contre la traite d’êtres humains et le trafic de migrants, menée dans 116 pays et territoires.
L’opération Liberterra II (29 septembre - 4 octobre) a permis de secourir 3 222 victimes potentielles de la traite d’êtres humains et d’identifier 17 793 migrants en situation irrégulière.
Les autorités du monde entier ont organisé des interventions de police, renforcé les postes-frontières stratégiques, surveillé près de 24 000 vols aériens et déployé des agents dans de hauts lieux du trafic et de la traite d’êtres humains. À l’échelle mondiale, environ 8 millions de vérifications ont été effectuées dans les bases de données d’INTERPOL.
Au total, 2 517 arrestations ont été opérées pendant la semaine, dont 850 étaient spécifiquement liées au trafic de migrants ou à la traite d’êtres humains.
Des unités de coordination opérationnelle ont été mises en place en Argentine, au Sénégal, aux Philippines et en Macédoine du Nord afin d’analyser les renseignements et de faciliter la coopération entre les pays, au sein de leurs régions respectives et au-delà. Par ailleurs, l’opération a reçu un soutien sans précédent de la part de 15 unités spécialisées du Secrétariat général d’INTERPOL, d’organisations partenaires, d’agences nationales et d’ONG.
Jürgen Stock, le secrétaire général d’INTERPOL, a déclaré :
« Dans leur quête incessante de profit, les groupes criminels organisés continuent d’exploiter des hommes, des femmes et des enfants, souvent de façon répétée. Bien que préliminaires, les résultats de cette opération mettent en lumière l’ampleur des défis auxquels font face les services chargés de l’application de la loi, et montrent que seule une action coordonnée peut venir à bout de ces menaces. »
Le directeur exécutif des Services de police d’INTERPOL, Stephen Kavanagh, a quant à lui indiqué :
« Outre qu’elle donne un aperçu des tendances mondiales en matière de trafic et de migration, l’opération représente une excellente occasion de renforcer les capacités des pays, en consolidant les relations entre les unités spécialisées et en améliorant la collaboration interservices. »
Escroqueries reposant sur la traite d’êtres humains
L’opération, menée durant une semaine, a permis de mettre au jour des dizaines d’affaires dans lesquelles les victimes de la traite d’êtres humains se sont retrouvées prises au piège et forcées à commettre des escroqueries. Ce mode opératoire marque une rupture nette avec les schémas de trafic traditionnels, dans lesquels l’exploitation humaine est l’unique objectif criminel.
Les centres d’escroquerie en ligne ayant recours à des victimes de la traite d’êtres humains sont devenus une cible opérationnelle prioritaire depuis qu’INTERPOL a publié une notice orange pour prévenir ses Membres de cette tendance mondiale croissante. Dans de nombreux cas, les victimes sont attirées avec de fausses promesses d’emploi, et retenues dans ces centres par l’intimidation et la violence.
Aux Philippines par exemple, des agents ont perquisitionné un entrepôt où plus de 250 personnes, la plupart des ressortissants chinois, commettaient des escroqueries aux sentiments à une échelle industrielle. Les agents passent désormais au peigne fin les appareils saisis, et procèdent à des interrogatoires pour distinguer les victimes potentielles de la traite des membres du groupe criminel.
De l’autre côté de la planète, en Afrique centrale et de l’Ouest, des agents ont mis au jour huit affaires distinctes ayant fait de nombreuses victimes, forcées à participer à des systèmes d’exploitation pyramidaux. Une fois recrutées, ces victimes étaient conduites à l’étranger et retenues contre leur gré, et subissaient souvent des violences physiques et psychologiques.
Dans l’un des cas, 24 victimes togolaises ont été mises à l’abri au Mali. Ces femmes s’étaient vu promettre un emploi dans des lieux aussi lointains que l’Amérique du Nord, mais au lieu de cela, elles ont dû payer des « frais de recrutement » allant jusqu’à 6 000 dollars pour faire fonctionner un système commercial à plusieurs niveaux. Elles ont ensuite été forcées à cibler des membres de leur famille ou des amis pour qu’ils les rejoignent. À ce jour, 10 arrestations ont été opérées.
Groupes polycriminels : drogues, espèces et armes
La traite d’êtres humains et le trafic de migrants sont de plus en plus liés à d’autres formes de criminalité, et utilisent souvent les mêmes réseaux et itinéraires criminels. Ce chevauchement permet de maximiser les profits et le pouvoir des groupes criminels organisés, et complique le travail des services chargés de l’application de la loi. La nécessité d’une approche globale de la criminalité est apparue clairement pendant toute la semaine qu’a duré l’opération.
Au Brésil, une enquête précédente sur un trafic de stupéfiants a mis au jour une opération de trafic de migrants dirigée par le même groupe criminel. Cette enquête a mené à l’arrestation d’un candidat au conseil municipal et de son collaborateur pour avoir fait entrer clandestinement 70 migrants aux États-Unis. Au cours de l’enquête, 750 000 dollars ont été saisis en lien avec cette opération.
La police serbe a arrêté 12 suspects en lien avec deux groupes criminels organisés qui avaient planifié le voyage d’au moins 178 migrants en situation irrégulière vers la Bosnie-Herzégovine en passant par la Serbie. La police a également saisi des espèces, des armes à feu et de la drogue.
Les autorités chiliennes et paraguayennes ont travaillé main dans la main pour démanteler un groupe polycriminel se livrant au trafic de migrants, à la traite d’êtres humains et au blanchiment d’argent. Le groupe aurait conduit ses victimes au Chili, où elles auraient été transférées dans différentes villes à des fins d’exploitation sexuelle. Quatre suspects ont été arrêtés, et 23 victimes ont été secourues et aidées.
Autres affaires :
- En Argentine, les autorités ont secouru 59 victimes de la traite d’êtres humains, dont 14 mineurs forcés à travailler dans des exploitations de fruits et de légumes. Les agents ont saisi des fusils de chasse, des pistolets, des munitions et 200 000 dollars en espèces.
- Sept suspects ont été arrêtés en Algérie pour blanchiment d’argent en lien avec l’organisation d’un trafic de migrants. L’opération a abouti à la saisie de 320 000 dinars (2 400 dollars) et de plusieurs téléphones portables.
Traite d’êtres humains : un phénomène mondial
À la suite de perquisitions dans des logements, des entreprises et des boîtes de nuit en Macédoine du Nord, 13 suspects ont été arrêtés pour traite d’êtres humains, trafic de stupéfiants et blanchiment d’argent. Les 32 victimes potentielles ont été identifiées lors des perquisitions. Toutes étaient des femmes, et la majorité étaient étrangères, venant d’Albanie, de Colombie, de Russie, de Serbie et d’Ukraine.
Autres affaires :
- Au Costa Rica, la dirigeante d’une secte a été arrêtée pour suspicion de travail forcé, d’exploitation d’enfants et de violences psychologiques et physiques. Les personnes recrutées devaient promettre de vivre dans la pauvreté et le silence, alors que les responsables de la secte menaient une vie de luxe, avec des véhicules haut de gamme et de nombreuses propriétés.
- En Syrie, les autorités ont identifié un groupe de médecins soupçonnés de trafic d’organes.
- En Iraq, 25 personnes ont été arrêtées en lien avec un réseau de traite de personnes se livrant à la mendicité forcée.
- Les autorités nationales éthiopiennes ont arrêté un homme de 26 ans qui avait recruté sept victimes pour de l’esclavage domestique au Moyen-Orient, où elles ont été détenues pendant des semaines, maltraitées et affamées.
Trafic de migrants : exploiter le désir d’une vie meilleure
Une analyse des flux de migrants est en cours, mais il convient déjà de noter le nombre croissant de migrants asiatiques, notamment de Vietnamiens, détectés dans les Amériques pendant la semaine de l’opération. Les ressortissants vénézuéliens restent toutefois le plus grand groupe de migrants en situation irrégulière signalés par les pays participants. La plupart d’entre eux migrent vers l’Amérique du Nord ou du Sud.
Les autorités tunisiennes ont intercepté 27 personnes, dont 21 mineurs, qui tentaient de se rendre au Royaume-Uni sous le prétexte d’un voyage linguistique. La coordination avec le Bureau central national d’INTERPOL à Manchester a permis d’identifier trois suspects au Royaume-Uni, qui font aujourd’hui l’objet de poursuites pénales pour trafic de migrants.
Au Kenya, la cellule de lutte contre la criminalité transnationale organisée a arrêté deux suspects accusés d’exploiter des migrants éthiopiens, ce qui a permis de découvrir une centaine de victimes enfermées dans une maison de quatre chambres. Les victimes ont déclaré avoir été battues et forcées à contacter des membres de leur famille pour leur demander de l’argent.
Autres affaires :
- Les autorités britanniques ont localisé et identifié un Syrien recherché en Roumanie pour transport illégal de migrants de la Bulgarie vers la Roumanie, dans le but de leur faire poursuivre le voyage vers les Pays-Bas.
- En Türkiye, les autorités ont localisé et mis à l’abri environ 1 500 migrants en situation irrégulière, et arrêté 94 trafiquants présumés.
- Les autorités du Monténégro ont arrêté 11 membres d’une bande organisée soupçonnée d’avoir fait passer clandestinement 350 migrants de l’Asie vers l’Union européenne. La police a saisi des espèces, des téléphones, des véhicules, des documents d’asile et des passeports étrangers.
Accent sur les partenariats durables et la coopération
L’opération visait à assurer la participation la plus large possible et à garantir des capacités d’enquête à long terme. Elle a reçu le soutien de 11 projets, financés par :
- la Commission européenne ;
- l’Union européenne ;
- Affaires mondiales Canada ;
- le Bureau chargé des aspects internationaux de la lutte antidrogue et de la répression des États-Unis ;
- le ministère des Affaires étrangères de l’Allemagne ;
- le Bureau des Affaires étrangères, du Commonwealth et du Développement du Royaume-Uni ;
- le ministère des Affaires étrangères du Danemark.
Tout au long de la semaine, les pays participants ont pu bénéficier directement de l’expertise, des ressources et des actions coordonnées de projets spécialisés et d’organisations internationales. Un soutien supplémentaire a été fourni par :
- AFRIPOL ;
- CARICOM IMPACS ;
- Europol ;
- EU4FAST ;
- Frontex ;
- l’Organisation internationale pour les migrations ;
- le Bureau d’appui régional pour le Processus de Bali ;
- le Centre opérationnel régional d’appui au processus de Khartoum et à l’Initiative de la Corne de l’Afrique de l’Union africaine (ROCK) ;
- l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime.
Pays et territoires participants
- Afrique du Sud, Albanie, Algérie, Angola, Argentine, Arménie, Australie, Autriche, Bahamas, Bahreïn, Belize, Bénin, Bermudes (Royaume-Uni), Bolivie, Bosnie-Herzégovine, Botswana, Brésil, Brunéi, Bulgarie, Burundi, Cabo Verde, Cambodge, Cameroun, Canada, Chili, Chine, Chypre, Colombie, Costa Rica, Côte d’Ivoire, Croatie, Curaçao, El Salvador, Émirats arabes unis, Équateur, Érythrée, Espagne, Eswatini, Éthiopie, Finlande, Gabon, Gambie, Ghana, Grèce, Guatemala, Guinée, Guinée-Bissau, Guyana, Honduras, Îles Caïmanes (Royaume-Uni), Îles Turques-et-Caïques (Royaume-Uni), Inde, Iraq, Irlande, Italie, Jamaïque, Kazakhstan, Kenya, Kirghizistan, Lesotho, Lettonie, Libéria, Lituanie, Macédoine du Nord, Madagascar, Malaisie, Maldives, Mali, Maroc, Maurice, Mexique, Moldova, Monténégro, Mozambique, Myanmar, Namibie, Népal, Niger, Nigéria, Nouvelle-Zélande, Ouganda, Palestine, Panama, Paraguay, Pérou, Philippines, Portugal, Qatar, République centrafricaine, République démocratique du Congo, République dominicaine, Roumanie, Royaume-Uni, Sainte-Lucie, Sénégal, Serbie, Seychelles, Sierra Leone, Singapour, Slovaquie, Slovénie, Somalie, Suriname, Syrie, Tanzanie, Tchad, Thaïlande, Togo, Trinité-et-Tobago, Tunisie, Türkiye, Ukraine, Uruguay, Venezuela, Viet Nam, Zimbabwe