Rapport sur l’infiltration par les milieux criminels du secteur florissant de l’argent mobile en Afrique

6 juillet 2020
Des liens ont été établis entre ce secteur en plein essor et la traite d’êtres humains, le blanchiment d’argent ainsi que le trafic mondial de stupéfiants, entre autres formes de criminalité.

Selon un nouveau rapport d’INTERPOL, le secteur de l’argent mobile en Afrique, qui représente des milliards de dollars, est exploité par les groupes criminels organisés, une tendance qui ne fera que s'accentuer avec le déploiement de ces services sur l’ensemble du continent.

Le rapport, intitulé « Services de paiement par téléphone mobile et criminalité organisée en Afrique », donne un aperçu de l’exploitation criminelle de ces services, notamment au travers de la fraude, du blanchiment d’argent, de l’extorsion, de la traite d’êtres humains et du trafic de migrants, du commerce illégal d’espèces sauvages et du terrorisme.

Le continent africain est le leader mondial du secteur de l’argent mobile : on y trouve en effet près de la moitié des comptes d’argent mobile enregistrés dans le monde.

Du fait du rôle important que joue l’argent mobile dans les sociétés et les économies africaines, et de la rapidité avec laquelle l’infrastructure correspondante a été mise en place, les malfaiteurs ont pu « exploiter les faiblesses des réglementations et des systèmes d’identification » et commettre des infractions liées à l’utilisation frauduleuse des services d’argent mobile.

Absence de contrôles d'identité rigoureux

Le rapport souligne que l’argent mobile en lui-même s'est avéré positif pour l’inclusion financière et le développement économique dans de nombreux pays africains, et qu’une économie informelle davantage fondée sur le numéraire peut parfois représenter un défi encore plus grand pour les services chargés de l’application de la loi.

Toutefois, l’absence de contrôles rigoureux de l'identité des utilisateurs s’ajoutant au manque de ressources et de formation des services de police dans le domaine des infractions liées à l’argent mobile a donné naissance à un système financier particulièrement vulnérable à l’infiltration par les milieux criminels.

Le type de document d’identité demandé pour ouvrir un compte d’argent mobile n’est pas uniforme sur l’ensemble du continent africain, les documents acceptés allant des cartes nationales d’identité aux cartes d'entreprise, attestations fiscales et permis de conduire.

Si le large éventail de documents d’identité acceptés favorise l’essor des services d’argent mobile, il accroît également leur vulnérabilité à la fraude, au blanchiment et à d’autres formes de criminalité.

En outre, même si l’on note une augmentation du taux de condamnation pour les infractions liées à l’argent mobile, il est parfois difficile de faire admettre, lors de la procédure judiciaire, l’expertise technique et les équipements nécessaires à la réalisation de l’enquête.

« C’est maintenant qu’il faut agir »

Le secteur de l’argent mobile étant sur le point de connaître une croissance encore plus forte en Afrique, les services concernés vont représenter une véritable menace pour les consommateurs et la sécurité nationale s’il n’est pas remédié à la vulnérabilité évoquée.

D’ici 2025, le taux d’utilisation de smartphones dans la seule Afrique subsaharienne devrait passer d’environ 39 % actuellement à 66 %. Une adoption plus généralisée des smartphones, combinée à une offre plus large de services d’argent mobile, aura probablement pour effet d’accroître le nombre de transactions réalisées au moyen d’applications mobiles.

« Les éléments dont on dispose indiquent que les malfaiteurs exploitent déjà les services d’argent mobile en Afrique. L’anonymat que ces services offrent trop souvent et la technicité du secteur représentent également un défi pour les services chargés de l’application de la loi qui enquêtent sur les infractions liées à leur utilisation frauduleuse et engagent des poursuites à l’encontre des auteurs », a déclaré M. Cyril Gout, Directeur par intérim de l’Appui opérationnel et de l’Analyse à INTERPOL.

« Le rapport souligne la nécessité d’agir maintenant. En remédiant aux vulnérabilités mises en évidence par le projet ENACT, nous pouvons faire en sorte que le secteur de l’argent mobile continue à croître dans toute l’Afrique sans être mis en péril par ceux qui cherchent à y porter atteinte », a ajouté M. Gout.

Le projet ENACT

Dans le cadre du projet ENACT, INTERPOL aide les polices en Afrique à adopter des stratégies proactives de lutte contre les menaces liées à la criminalité organisée, à faciliter les échanges d’informations et à développer leurs compétences en matière d’enquêtes.

Le projet ENACT est la première initiative du genre à porter sur l’ensemble du continent africain, avec pour objet d’évaluer l’ampleur de la criminalité organisée ainsi que ses répercussions en matière de sécurité, de gouvernance et de développement. Cette analyse permettra d’informer les décideurs et de renforcer la coopération entre les services chargés de l’application de la loi aux niveaux régional et continental.

Financé par l’Union européenne, le projet ENACT est mis en œuvre par INTERPOL et l’Institut d’études de sécurité, en partenariat avec l’Initiative mondiale contre la criminalité organisée transnationale.

Documents associés

Voir aussi