Opération coordonnée par INTERPOL contre les réseaux de « sextorsion »

2 mai 2014

MANILLE (Philippines) ‒ Une opération coordonnée par INTERPOL, visant les réseaux criminels responsables d’affaires de « sextorsion » dans le monde entier, a abouti à l’arrestation de 58 personnes dont trois hommes liés au groupe qui avait harcelé l’adolescent écossais Daniel Perry.

Ce jeune homme de 17 ans, victime d’une tentative de chantage sur Internet, s’était jeté du haut du pont de Forth Road, près d’Édimbourg, en juillet de l’année dernière.

Dans le cadre de cette opération, la première du genre, les informations échangées entre le Centre INTERPOL de lutte contre la criminalité numérique (CICN), la Police de Hong Kong, la Police de Singapour et l’unité de la Police nationale des Philippines (PNP) chargée de la lutte contre la cybercriminalité ont permis d’identifier entre 190 et 195 individus travaillant pour des organisations criminelles qui exercent leurs activités à partir des Philippines.

L’étroite coopération avec la Police écossaise, le service de l’immigration et des douanes des États-Unis (Immigration and Customs Enforcement, ICE), le service d’enquête pour la sécurité intérieure des États-Unis (Homeland Security Investigations, HSI), le bureau du ministère de la Justice des Philippines chargé de la lutte contre la cybercriminalité (Department of Justice Office of Cybercrime) et le centre de protection des enfants contre l’exploitation sexuelle sur Internet (CEOP Command) du service britannique de lutte contre la criminalité (National Crime Agency) a permis d’identifier des victimes de « sextorsion » aux États-Unis, en Indonésie, aux Philippines, au Royaume-Uni et à Singapour. Des victimes potentielles ont également été localisées en Australie, en Corée et en Malaisie, sans compter les centaines de personnes déjà signalées comme victimes à Hong Kong et à Singapour.

Dans le cadre de l’opération Strikeback, une série d’interventions ont été menées par la Police nationale des Philippines à Bicol, Bulacan, Laguna et Taguig les 30 avril et 1er mai. Elles ont donné lieu à la saisie de 250 éléments de preuve électroniques, notamment des téléphones portables, des ordinateurs portables, des équipements de réseaux et des dispositifs de stockage, ainsi que des munitions.

Parmi les personnes arrêtées figurent Vincent Regori Bravo, Jomar Palacio (alias Park Ji Man) et Archie (alias Gian) Tolin, qui sont soupçonnés de cibler des victimes au Royaume-Uni et devront notamment répondre d’accusations de violation de la loi réglementant les dispositifs d’accès.

Ces cyber-maîtres chanteurs, qui travaillent pratiquement à échelle industrielle dans des locaux de type centres d’appels, bénéficient de formations et reçoivent des gratifications sous la forme de voyages, d’argent ou de téléphones portables s’ils atteignent leurs objectifs financiers.

Le terme « sextorsion » désigne un chantage exercé par des personnes qui utilisent des informations ou des images à connotation érotique pour extorquer à leurs victimes des faveurs sexuelles et/ou de l’argent, les sommes exigées étant comprises entre 500 et 15 000 USD. Outre les réseaux implantés en Asie, il semblerait que des individus et des groupes opèrent à partir de l’Afrique et ciblent des victimes dans toute l’Europe.

« Ces réseaux de « sextorsion » sont extrêmement étendus et n’ont qu’une idée en tête : engranger des bénéfices quels que soient les traumatismes psychologiques terribles infligés à leurs victimes », a déclaré Sanjay Virmani, Directeur du CICN.

« Le succès de l’opération Strikeback est le fruit de la coopération entre les services chargés de l’application de la loi des pays concernés, notamment la Police nationale des Philippines, et il témoigne également du rôle décisif d’INTERPOL, qui a coordonné et facilité les enquêtes transnationales », a déclaré Noboru Nakatani, Directeur exécutif du Complexe mondial INTERPOL pour l’innovation (CMII) de Singapour, où se trouve le CICN.

« Ce succès montre aussi clairement qu’après l’ouverture officielle du CMII, prévue cette année, l’accroissement des possibilités d’échange d’informations entraînera d’autres succès et aidera à resserrer l’étau sur les cybermalfaiteurs dans le monde entier », a conclu M. Nakatani.

Le chef de la Police nationale des Philippines, Alan La Madrid Purisima, a déclaré que ses services continueront à identifier et arrêter toute personne se livrant à des activités de « sextorsion ».

« Ces arrestations témoignent de notre inflexible détermination à traduire ces malfaiteurs en justice et de notre volonté de collaborer avec les services de police du monde entier pour y parvenir », a indiqué M. Purisima.

« Cette opération réussie fait suite à une réunion INTERPOL, et nous aurons à cœur de poursuivre notre collaboration avec l’Organisation afin de montrer aux malfaiteurs qu’il n’existe aucun lieu où trouver refuge ».

L’Assistant Chief ConstableMalcolm Graham, de l’unité de la Police écossaise chargée des infractions graves et de la protection du public, a déclaré : « Un adolescent écossais est mort à cause de ces activités sur Internet. On ne peut pas imaginer les répercussions sur sa famille, ses amis et la collectivité au sens large ».

« Notre message est clair : notre priorité est d’assurer la sécurité des personnes, et il n’existe aucun endroit – au monde – où trouver refuge, si vous êtes un malfaiteur et que vous vous livrez à ce genre d’activités, dont sont victimes les personnes les plus vulnérables et exposées à la contrainte et au chantage ».

« La lutte contre l’exploitation sexuelle des enfants est une entreprise d’ampleur mondiale », a déclaré John G. Connolly, Directeur adjoint du Bureau des Affaires internationales du service d’enquête pour la sécurité intérieure des États-Unis (HSI). « Le HSI travaille en étroite collaboration avec la communauté mondiale des services chargés de l’application de la loi dans le cadre d’opérations conjointes et fournit des formations et des compétences à de nombreux pays étrangers. Notre mission nous fait franchir des océans pour protéger des enfants, quel que soit l’endroit où ils se trouvent, et pour faire en sorte que des malfaiteurs soient traduits en justice ».

Le Bureau des Affaires étrangères et du Commonwealth du Royaume-Uni (Foreign and Commonwealth Office, UK FCO) a versé des fonds destinés à l’opération Strikeback, pour soutenir la coordination opérationnelle ainsi qu’un projet de renforcement des capacités, dans le but d’aider à faire face aux futures menaces en matière de cybercriminalité.

L’Ambassadeur du Royaume-Uni aux Philippines, Asif Ahmad, a déclaré : « La cybercriminalité prend des formes très diverses. Elle se moque des frontières nationales et peut frapper chacun d’entre nous. La coopération internationale entre les différents services chargés de l’application de la loi du monde entier participant à cette enquête devrait faire comprendre une chose aux cybermalfaiteurs : il n’existe aucun endroit où trouver refuge. »

Des spécialistes des pays ayant participé à l’opération analyseront les éléments saisis afin d’identifier d’éventuelles autres victimes et de mener les enquêtes complémentaires.

Si l’opération Strikeback visait les réseaux de « sextorsion », cette pratique ne représente qu’un des types d’abus sexuels commis au moyen d’Internet contre lesquels INTERPOL lutte en coordination avec les services chargés de l’application de la loi et les organismes spécialisés.

Le chantage sexuel exercé sur des enfants par des pédophiles, qui sont déjà sexuellement attirés par les enfants, fait partie de ces abus. Sur les réseaux sociaux, ils se font passer pour des enfants afin de sympathiser avec leurs victimes et de les mettre en confiance. Ils les encouragent ensuite à échanger des images où ils se montrent nus en train de se livrer à des activités sexuelles. Le maître chanteur menace alors les enfants de diffuser ces images afin de les forcer à leur en fournir d’autres, généralement plus suggestives.

Les abus pédosexuels consistant à « commander » des scènes tournées en direct au moyen d’une webcam sont un autre type d’abus pédosexuels commis au moyen d’Internet. Des organisations criminelles proposent à des pédophiles dans d’autres pays d’abuser sexuellement d’enfants des rues ou d’enfants de leur propre famille en échange d’argent.

Ces pédophiles peuvent se trouver n’importe où dans le monde et versent de l’argent aux organisations criminelles qui ont les enfants sous leur emprise. Ils donnent les instructions de mise en scène des abus sexuels, commis sur ou entre des enfants, et payent pour visionner les scènes en direct.

Le service Trafic d’êtres humains et exploitation des enfants d’INTERPOL gère la Base de données internationales sur l’exploitation sexuelle des enfants (ICSE), qui contient des informations sur près de 2 500 victimes d’exploitation sexuelle identifiées de 41 pays. Outre l’aide vitale qu’elle apporte pour localiser les auteurs d’infractions, cette base de données est un outil important pour éviter les doubles emplois, lorsque la police tente d’identifier des victimes qui ont déjà été secourues.

L’un des principaux objectifs de la prochaine campagne mondiale de sensibilisation d’INTERPOL baptisée « Turn Back Crime » est d’informer la société des moyens utilisés par la criminalité organisée pour infiltrer notre vie quotidienne et d’aider le public à se protéger.