D’une valeur annuelle de près de 152 milliards d’USD, l’industrie du bois illégale représente jusqu’à 90 % de la déforestation tropicale dans certains pays et attire les plus grands groupes criminels organisés au monde. Elle a de graves conséquences économiques, environnementales et sociales, et attise les conflits dans les régions forestières où des bandes organisées s’affrontent pour le contrôle des marchés.
En matière de criminalité forestière, la fraude, notamment fiscale, la corruption, la criminalité violente et le blanchiment d’argent, voire le piratage de sites Web gouvernementaux en vue d’obtenir des permis, sont monnaie courante.
L’empiètement humain sur les zones boisées, en raison de l’exploitation illégale du bois et de l’expansion agricole, entraîne une augmentation des contacts de la population avec les maladies infectieuses touchant les espèces sauvages. Ces contacts favorisent leur transmission à l’être humain, en particulier lorsque la destruction des forêts a pour conséquence le déplacement des espèces porteuses de ces maladies vers les zones urbaines.
En 2010, INTERPOL a mis en place un programme consacré à la sécurité environnementale. Cette semaine, afin de célébrer les dix premières années de son action, nous nous intéressons à la façon dont l’Organisation a permis à des pays de toutes les régions du monde de lutter contre les nombreuses formes graves de criminalité liées à l’industrie du bois.
Durant la décennie d’action d’INTERPOL contre la criminalité liée aux forêts, l’attention s’est déplacée des auteurs d’infractions agissant en première ligne dans le secteur du bois aux conglomérats et aux groupes criminels organisés qui sont au cœur de cette industrie. La réaction de la communauté policière mondiale a été de coopérer à tous les stades de la chaîne logistique du bois dans le but de démanteler les réseaux criminels et de désorganiser les flux financiers qui facilitent cette forme de criminalité.
Lutter contre la criminalité forestière : dix ans en dix actions d’éclat
1. Sensibilisation accrue de la police : une décennie d’action a permis aux forces de police des 194 pays membres d’INTERPOL de bien connaître les capacités de l’Organisation en matière d’analyse de renseignements et d’appui opérationnel et technologique. Elle a aidé la communauté policière mondiale à prendre conscience de l’institutionnalisation du trafic international de bois, qui s’appuie sur une corruption à haut niveau, et a apporté aux agents de première ligne les connaissances et compétences nécessaires pour lutter efficacement contre cette criminalité. Mesurant aujourd’hui les graves conséquences du commerce illégal de bois, les pays de destination s’attaquent eux aussi à ce domaine de criminalité et ouvrent des enquêtes, bien que les infractions initiales en la matière soient commises ailleurs dans le monde. Un nombre croissant de forces de police se dotent de leurs propres unités spécialisées dans la criminalité forestière pour lutter contre les réseaux de criminalité organisée responsables des infractions liées au bois.
2. Réponse aux nouvelles tendances : combattre la criminalité forestière s’apparente à la guerre mondiale contre la drogue, avec une criminalité et des malfaiteurs qui ne cessent de s’adapter. Ces dix dernières années, INTERPOL a travaillé en étroite collaboration avec des enquêteurs du monde entier, échangeant avec eux idées, techniques et informations afin de déceler des éléments récurrents dans le secteur forestier. Parmi les grandes tendances repérées, citons le blanchiment de bois tout au long du processus de production et le blanchiment de bois illégal au moyen de bois légal durant le transport et la transformation.
3. Capacité opérationnelle renforcée : dix années de coordination d’opérations internationales des services chargés de l’application de la loi ont permis aux pays de recueillir des renseignements, de mettre au jour des tendances, de définir des indicateurs de risque et de mener des enquêtes fondées sur le renseignement aux niveaux national, régional et mondial. Afin d’optimiser les possibilités opérationnelles, INTERPOL a toujours tenu les pays informés des innovations technologiques susceptibles d’appuyer les enquêtes, comme le recours à la criminalistique pour l’identification scientifique du bois, et à des outils de pointe pour surveiller et repérer à distance les concessions d’exploitation forestière et les sites de coupe illégale.
4. Réalisation d’enquêtes globales : INTERPOL veille à ce que, sur tous les continents et à tous les niveaux, les policiers concentrent leurs efforts sur les réseaux de criminalité organisée en général plutôt que sur les individus auteurs d’infractions. Ces dix dernières années, nous avons, en nous adaptant à chaque situation, fourni des conseils, assuré des services de mentorat, mis à disposition des outils de police et dispensé des formations à tous les stades du processus de justice pénale afin de faciliter les enquêtes, les poursuites, les jugements et la confiscation des avoirs d’origine criminelle. Ce travail a stimulé les enquêtes en matière de criminalité forestière dans le monde et donné lieu à des opérations et à des actions visant à recouvrer des avoirs, privant ainsi les groupes criminels de fonds obtenus illégalement et des produits de cette criminalité.
5. Coopération transnationale renforcée : grâce à I-24/7, le réseau mondial sécurisé de communication policière d’INTERPOL, les forces de police luttent aujourd’hui ensemble contre la criminalité forestière, par-delà les frontières, en surveillant la situation dans le monde et en pilotant des enquêtes financières visant à suivre l’argent qui alimente la criminalité organisée. Ces dix dernières années, la coopération entre les agents forestiers, les douaniers, les agents chargés des contrôles aux frontières et les policiers s’est avérée cruciale pour lutter efficacement contre le trafic de bois. L’accent a été mis principalement sur les enquêtes en matière de fraude fiscale et de corruption visant les entreprises d’exploitation forestière, les plantations et les entreprises de transformation qui travaillent avec les réseaux de criminalité organisée.
6. Attaque de front contre le tabou : la corruption est l’un des principaux facteurs qui facilitent la criminalité forestière. Dix ans de formation à la lutte contre ce problème organisée par INTERPOL – en ligne et en présentiel – ont permis aux forces de police, aux enquêteurs travaillant sur les affaires de criminalité forestière et aux services chargés de l’application de la loi dans ce domaine, sur tous les continents, de mieux détecter les faits de corruption, d’enquêter à leur sujet et de poursuivre leurs auteurs avec plus d’efficacité, ainsi que de faire face aux difficultés que cela implique nécessairement. Outre les bonnes pratiques pour détecter la corruption dans le secteur forestier, en particulier concernant l’attribution des contrats et des permis d’exploitation, le recours à la criminalistique numérique et à la criminalistique des appareils mobiles dans le cadre des enquêtes anticorruption occupe une place importante lors de chaque formation.
7. Renforcement des capacités adapté aux besoins : depuis dix ans, INTERPOL renforce les capacités policières nationales en matière d’enquêtes et d’opérations en assurant des programmes de formation réguliers à l’intention de tous les acteurs de la lutte contre la criminalité liée au bois. Nous avons renforcé les capacités en matière de répression de la criminalité forestière – en première ligne, lors des enquêtes et des poursuites, et aux frontières –, ce qui s’est traduit par un nombre accru d’enquêtes et de poursuites liées à des affaires d’exploitation forestière illégale et de commerce, de transformation, de fabrication, d’exportation et d’importation de produits du bois obtenus illégalement. Nous avons mis en place de nombreuses cellules spéciales nationales chargées de faire appliquer la législation et la réglementation relatives au bois.
8. Publications : publication régulière de manuels mondialement reconnus à l’intention des services chargés de l’application de la loi, utilisés aujourd’hui dans le monde entier pour combattre de manière globale la criminalité forestière. Des rapports d’analyse opérationnelle et tactique sur cette criminalité ont également été publiés ces dix dernières années.
9. Notices INTERPOL : de nombreuses notices INTERPOL concernant des personnes recherchées en vue de poursuites pénales ou de l’exécution d’une peine en rapport avec la criminalité forestière ont été publiées ces dix dernières années. Ces notices de différentes couleurs permettent aux pays membres de diffuser dans le monde entier des alertes et des demandes d’informations relatives aux infractions relevant de cette criminalité.
10. Convergence entre les criminalités : une décennie de mise au jour de liens entre la criminalité forestière et d’autres formes de criminalité organisée qui font le lit de la fraude, de la corruption, de la fraude fiscale et du blanchiment d’argent.
Lutter contre la criminalité forestière sur le terrain
Les opérations de police régionales et mondiales menées depuis 2010 ont permis aux services nationaux chargés de l’application de la loi d’enquêter malgré les frontières et de collaborer avec des polices du monde entier pour obtenir des éléments de preuve, arrêter des suspects, et faire en sorte que des personnes soupçonnées d’être impliquées dans des affaires d’exploitation illégale de bois et dans les nombreuses infractions graves qui y sont associées soient poursuivies et condamnées.
Tout au long de la décennie écoulée, INTERPOL a conduit des dizaines d’opérations policières mondiales contre la criminalité forestière, qui ont abouti à la saisie de plus d’un million de mètres cubes de bois illégal (d’une valeur supérieure à 1,5 milliard d’USD) en Afrique, en Asie, en Europe et dans les Amériques.
Ces opérations ont été menées avec la participation des autorités nationales chargées de l’application de la législation forestière, de la police, des douanes, des cellules de renseignement financier et d’autres services spécialisés. Ensemble, ils ont procédé à des contrôles ciblés et à des enquêtes sur des véhicules de transport, des commerces de détail, des éléments financiers et des personnes, et ont organisé la surveillance et le contrôle de ports et de centres de transport.
Une décennie de précieux partenariats
INTERPOL connaît l’importance de partenariats solides s’agissant d’apporter une réponse coordonnée à la criminalité forestière. Nos activités de lutte contre cette forme de criminalité bénéficient toutes de financements externes et reposent sur des partenariats durables.
INTERPOL travaille en étroite collaboration avec des organisations gouvernementales, non gouvernementales et internationales dans l’objectif d’identifier, de cibler et de démanteler les organisations criminelles transnationales responsables d’atteintes à l’environnement. Ces partenaires nous aident également à apporter une assistance technique et logistique à nos pays membres.
Nous tenons tout particulièrement à remercier notre Groupe de travail sur la criminalité forestière (FoCWG) et nos partenaires pour leur précieux soutien, et invitons d’autres acteurs nationaux, régionaux et internationaux, ainsi que la communauté internationale des donateurs, à soutenir l’important travail que nous menons pour que cessent les atteintes à l’environnement relevant de la criminalité organisée.
• La réponse d’INTERPOL à la criminalité forestière
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Joignez-vous à nous la semaine prochaine afin d’en apprendre davantage sur la façon dont INTERPOL s’est employé, tout au long de la décennie écoulée, à combattre la criminalité visant les espèces sauvages dans le monde.
